Issue 1, 1999

La plastique anthropomorphe néolithique au Bas Danube
et certaines pratiques magico - rituelles

by Marian Neagu
Citation:
Marian Neagu, La plastique anthropomorphe néolithique au Bas Danube et certaines pratiques magico - rituelles, Living Past, 1, 1999,
URL: http://www.cimec.ro/livingpast/nr1/neagu/plastique.htm
Table of content

Introduction

Les pratiques magico-rituelles forment une partie inséparable de la vie spirituelle des communautés néolithiques de la zone du Bas Danube. Pour reconstituer la vie spirituelle de ces communautés, à l'aube du Néolithique récent, on s'appuie surtout sur les découvertes archéologiques de plastique anthropomorphe.


I. Les statuettes Bolintineanu

Les statuettes anthropomorphes de la culture Bolintineanu reflètent le contenu hétérogène de ces communautés. Elles proviennent des localités Piscu Crasani , Chitila , Coroteni , Catelu aussi que de la nécropole de la Cernica . Un cas particulier de plastique anthropomorphe est signalé à Gradistea Coslogeni, station habitée par une population de synthèse constituée par les communautés des cultures Hamangia et Bolintineanu . A l'exception de la statuette en os de Cernica, les autres en sont faites en terre cuite.

1. Le lieu de la découverte et le contexte archéologique

La première statuette Bolintineanu a été découverte dans la localité Catelu, par E. Comsa dans le remplissage d'une hutte. Les autres aussi proviennent d'habitations, tout comme les pièces du même genre découvertes à Gradistea Coslogeni dans les fosses de certaines huttes. La découverte des statuettes anthropomorphes de Bolintineanu est mieux localisée que celle de la plastique Dudesti. Ainsi, dans les stations Piscu Crasani, Coroteni et Chitila on a trouvé des statuettes dans des habitations de surface, un type d'habitation extrêmement rare dans les sites Bolintineanu, très probablement ayant une destination spéciale. Les recherches effectuées dans le site néolithique de Gradistea Coslogeni durant les années 1966 et 1968 ont apporté des éléments nouveaux liées au contexte rituel de la "mise en dépôt" des statuettes anthropomorphes, par la découverte de quelque pièces de ce type réunies sur l'âtre d'une grandeur inhabituelle d'une hutte (pl.I)

Des fouilles archéologiques récentes viennent de confirmer le contexte rituel des découvertes de statuettes anthropomorphes dans le site Gradistea Coslogeni. Ainsi, dans la fosse de la hutte no. 5, on a découvert trois statuettes anthropomorphes, auprès d'une brûlure très forte avec des écailles de poisson et de fragments de carapace de tortue. Tout auprès d'une des figurines on a découvert deux perles en verre. La statuette de Catelu a été trouvée dans le remplissage d'une hutte .

La distribution spatiale de ces statuettes n'est pas du tout le fait du hasard, de règle générale on les trouve dans les habitations, pour la plupart des cas sur l'âtre ou tout auprès . En ce qui concerne le station néolithique de Gradistea Coslogeni on a trois cas de disposition sur l'âtre même (à deux huttes) et auprès (la hutte no. 5). La statuette de Piscu Crasani a été aussi découverte sur l'âtre d'une habitation de surface Bolintineanu. La seule statuette en os Bolintineanu a été découverte auprès de l'antebras gauche, dans la tombe 101 de la nécropole de la Cernica . A l'exception de la figurine en os de Cernica, les statuettes Bolintineanu sont faites en argile et représentent généralement des personnages féminines.

2. Types de statuettes, pâte, modelage et techniques

Toutes les statuettes Bolintineanu représentent des personnages debout. La pâte de modelage est poreuse, composée d'argile plus ou moins mélangée avec de la balle. On y trouve aussi dans des quantités variables du sable et du mica. La cuisson n'est pas uniforme, allant du jaune-brique (Piscu Crasani, Coroteni) ou noir-gris (Gradistea Coslogeni). La statuette de Piscu Crasani a été cuite avec oxydation dans un four en position couchée, au gris-clair, le reste du corps arrivant au jaune-brique. La statuette de Cernica a été "faite en os poli" . Les pièces semblables en terre cuite ne sont pas polis, mais on remarque au modelage des traces de lissage, plus évidentes à la statuette Bolintineanu de Gradistea Coslogeni ( pl. III - IV).

En ce qui concerne la manière de figurer les éléments anatomiques, on note une schématisation réduite par rapport aux statuettes Dudesti, visible surtout à la forme générale du corps. Même la statuette de Cernica présente des éléments anatomiques qui n'apparaissent pas d'ordinaire aux statuettes anthropomorphes en os, matériel qui impose schématisation et abstraction. La statuette qui "représente le corps lisse et souple d'une femme au ventre arrondi de grossesse" a les seins bien contourés, tenant compte qu'il s'agit d'une pièce en os. Les jambes sont marquées par une ligne incisée. Le seul élément anatomique schématisé c'est le dos qui présent un plan vertical jusqu'à la taille. (pl.XIV) La statuette découverte à Piscu Crasani a la tête légèrement penchée en arrière et le visage triangulaire (pl.VII). Le nez est représenté par une protubérance, les yeux et la bouche par des orifices incisés profondément .

Paradoxalement, bien qu'il s'agisse probablement d'un personnage masqué (pl.VII - VIII). les moindres détailles du visage sont figurés, y compris les surcils, cas unique parmi les découvertes de plastique anthropomorphe Dudesti et Bolintineanu. Il est fort vraisemblable que cette représentation des surcils élevés fut nécessaire pour souligner l'expressivité de la figure, en lui amplifiant le dynamisme et la mobilité, par des raisons rituelles. A la différence de la statuette de Cernica, avec les seins fort marqués, celle découverte à Piscu Crasani n'en a pas. L'ornementation est réalisé par incisions linéaires ou courbes. A noter le désir en courbes terminé en crochet, remarqué à la statuette de Catelu, diffèrent de l'interprétation d'ornement en forme de spirale fournie par l'auteur de la decouverte .

Outre l'incision, on a retenu à la même pièce, l'idole de Piscu Crasani, des traces de peinture de couleur rouge, trois lignes parallèles sur le cou dessinant les bords de la masque, clairement détachés même en section. La peinture, comme technique utilisée pour la plastique anthropomorphe, apparaît seulement dans le cas de la statuette de Piscu Crasani, pour toute la période du Néolithique récent.

3. Les statuettes de Gradistea Coslogeni

La plastique découverte à Gradistea Coslogeni constitue un chapitre spécial de la recherche concernant les statuettes anthropomorphes du Néolithique récent. Si la station néolithique est le résultat d'une cohabitation et une symbiose entre les communautés Bolintineanu et Hamangia, la plastique anthropomorphe découverte à Gradistea Coslogeni souligne la prépondérance de l'élément Hamagia.

Parmi les 19 statuettes anthropomorphes, auxquelles on ajoute autres cinq pièces - que nous interprétons comme ayant un caractère phallique - il n'y a qu'une seule statuette qui puisse être attribuée proprement-dit aux communautés Bolintineanu. Celle-là représente un personnage féminin, debout, les bras étendus. Les seins sont marqués par deux petites boules aplaties et les hanches sont très larges.

La base de la pièce est élargie et plate pour lui permettre de tenir debout (pl. III - IV). La statuette représente un personnage durant une cérémonie, comme le témoigne non seulement la position des bras mais aussi le costume suggéré par le modelage. L'argile de la pâte est de bonne qualité, mais contient assez de balle comme dégraissant. A la différence des statuettes Hamangia découvertes à Gradistea Coslogeni, l'argile de cette pièce contient une très faible quantité de sable. La tête est détruite par le temps. Le ventre est arrondi suggérant une grossesse. Le traitement plat du dos de la figurine souligne une certaine géométrie, empruntée des statuettes Hamangia. Pourtant cette monotonie plate du dos, qu'on ne trouve plus aux statuettes Hamangia ou Bolintineanu, est interrompue par la représentation de la région anale par une alvéolée convainçante. La pâte des statuettes de Hamangia est composée d'une argile de mauvaise qualité mélangée avec beaucoup de sable et de tessons. C'est ce qu'a obligé les modelateurs de couvrir les statuettes avec une angobe plus consistante que la pâte du milieu de la pièces. La cuisson a été faite au noir-gris, à l'exception des deux statuettes cuites jaunâtre. Les statuettes Hamangia découvertes à Gradistea Coslogeni représentent généralement des personnages féminins debout. On peut les différencier d'après la position des bras, d'après l'image du ventre, du sexe et des jambes. Toutes les statuettes anthropomorphes ont les hanches très larges.

Le dos est plat, sans aucune exception. Pourtant, on remarque aux statuettes qui représentent des grossesses le phénomène de hyperlordose, du à l'échange du centre de pesenteur du corps. Le dos a un léger penchant en arrière (pl. V et pl. VII). La tête et le cou sont figurés en forme de colonne avec section triangulaire. A la base du cou on trouve des incisions en lignes parallèles circulaires, reproduisant probablement des colliers. Il n'y a qu'un seul fragment de statuette ou la colonne se termine par un plan oblique figurant un visage à forme triangulaire.

Les bras sont posés sur le ventre (pl. VI) ou sont étendues latéralement (pl. III). Ces positions imagines très probablement certains gestes ou hypostases rituels ayant une signification précise. On donne une telle importance à la figuration des bras qu'on renonce souvent à l'image des seins, ceux-là étant englobés par les bras, comme leur prolongations.

Les jambes sont modelés soudés, délimités par un fort fassage. Dans un seul cas, les jambes sont écartés. Le ventre jouit d'une très grande attention de la part des modelateurs. Ses dimensions ne sont jamais le fruit du hasard ayant par contre une signification majeure symbolisant les différents stades de fécondité. Ainsi dans une première phase l'abdomen présente une protubérance de forme conique, pour arriver ensuite à l'image d'une grossesse avancée, avec un ventre pendent à deux niveaux (pl VI, pl. IX). Notre avis c'est que dans le cas des deux statuettes on essaye de représenter un personnage féminin dans une posture de naissance imminente, symbolisée par l'image de la fente vulvaire ouverte au moment du travail et par la descente du foetus dans la partie inférieure de l'abdomen.

Le sexe est figuré par un triangle incisé avec une coupure verticale au milieu, suggérant la fente vulvaire . A la statuette représentant le stade le plus avancé de grossesse, le sexe et proéminent et se confonde même avec l'étage inférieur de l'abdomen. Aux différentes étapes de fécondité on oppose en certains cas exceptionnels des pratiques magiques aux effets contraires, comme c'est le cas d'une statuette féminine découverte à Gradistea Coslogeni (pl. V). Cette statuette a la tête détruite par le temps, mais le ventre a été éliminé par raclage, probablement dans un rituel destiné à supprimer la grossesse, comme le témoigne d'ailleurs la destruction de l'engobe dans cette zone.

L'image du sexe est en corrélation avec celle du ventre et des hanches. Autres deux statuettes complètent opportunément la plastique anthropomorphe découverte à Gradistea Coslogeni. Une des statuettes est aplatie des deux parties et a les bras étendus, mais légèrement courbés. Les jambes sont délimités par un fossage profond, et la tête a la forme d'une colonne triangulaire. Même admettant une schématisation menée jusqu'à l'abstraction, surprend l'absence des éléments de fécondité: seins, ventre ou sexe. La signification de ce type de statuettes pourrait être la figuration d'un personnage féminin après la naissance!

Une autre catégorie de représentation plastique de Gradistea Coslogeni est constituée par les:
  • a) "les couvercles" - phalaoi;
  • b) des colonnes anthropomorphes (les têtes).

a) "Les couvercles - bonnets", ainsi nommés par D Berciu apparaissent aussi dans la culture de Hamangia que dans les cultures Vadastra ou Boian. Si en ce qui concerne son origine fixée dans des régions du sud l'avis est unanime, nous ne pouvons pas accepter l'hypothèse de son utilisation comme couvercle de vases . Le diamètre de ce type de pièces, ainsi que sa forme générale soutiennent l'idée d'une destination magique, liée au culte du phallus. Globalement l'hauteur de ce type de pièces est plus grande que le diamètre, ce qui exclut pratiquement la possibilité de son utilisation comme couvercle de vase. Des pièces pareille on trouve aussi au sud du Danube, dans la localité néolithique Durankulak (pl. X). Tout ces phallus sont décorés avec des incisions incrustés avec de la pâte blanche et y figurent certains détails comme le gland, le corps et le marquage du plis balano- prépuciel .

b) "Les têtes" découvertes à Gradistea Coslogeni apparaissent sous forme de colonne cylindrique, dont la partie supérieure est modelée selon la tete humaine. Avec très peu de moyens on réussit la représentation des éléments anatomiques: le nez en relief, les yeux par deux coupures horizontales allongées. L'expressivité et la précision de l'exécution témoignent d'une tradition associée à une remarquable expérience en dehors desquelles on n'aurait pu parvenir à retenir les caractéristiques masculines et féminines des visages des deux têtes. (pl. XIII) Une des représentations phalliques pressente cinq incisions circulaires parallèles qu'on retrouve d'ailleurs sur une colonne de dimensions semblables, mais sans l'image du visage. A la différence des têtes - colonne, circulaires en section triangulaire avec une cuisson oxydante ou jaune.

4. Relations culturelles et significations

La plastique anthropomorphe typiquement Bolintineanu bien qu'assez peu nombreuse, reflète par sa diversité la composition hétérogène de ces communautés. Ainsi la statuette découverte à Piscu Crasani démontre des fermes influences vinciennes La statuette en os de Cernica ou celle en argile de Gradistea Coslogeni sont tributaires aux influences venues du sud. Les découvertes de Gradistea Coslogeni soulèvent le problème de la pénétration de la population Hamangia au Nord du Danube dans l'aire de diffusion des communautés Bolintineanu, trouvées dans une étape finale d'évolution avec des possibles implications dans le domaine de la vie spirituelle, encore inconnues à cause de l'insuffisance des recherches archéologiques et de nombre très réduit des statuettes anthropomorphes découvertes jusqu'à présent.

La signification des deux têtes - colonne d'homme et femme découvertes à Gradistea Coslogeni doit être la même celles des autres statuettes trouvées dans la tombe du nécropole Hamangia de Cernavoda . L'expression et la manière de traiter les éléments caractéristiques du visage réunissent, de point de vue de la typologie, dans la même famille spirituelle les statuettes de Cernavoda et Gradistea Coslogeni. La statuette anthropomorphe Bolintineanu de Gradistea Coslogeni représente probablement un personnage habillé tandis que les statuettes Hamangia figurent toujours des personnages dénudés

Les types très différents de statuettes anthropomorphes Bolintineanu démontrent une utilisation complexe, en dehors des rituels de fertilité, fécondité ou le culte voué à la Déesse - mère, apparaissant comme un reflet naturel d'une possible amplification de la vie spirituelle. Le stade actuel de la recherche scientifique dans ce domaine ne permet pas l'avancement des hypothèses liées aux significations exactes de ces statuettes anthropomorphes. Pourtant, l'hypothèse des pratiques magiques est soutenue par le rompement - supposé rituel - de la tête dans le cas des cinq parmi les six statuettes Bolintineanu. La possibilité d'un rompement accidentel est démentie par les sections du cou de la figurine en os de Cernica (pl. IX) et de la statuette en terre cuite découverte à Gradistea Coslogeni (pl. III). Ces sections excluent l'hypothèse d'un éventuel brisement fortuit, du à leur fragilité. Bien qu'aucune station Bolintineanu n'ait été exhaustivement étudiée, les fouilles amples effectuées dans les stations de Piscu Crãsani et surtout à Lunca -La Gradini constituent des arguments notables pour soutenir l'hypothèse de l'existence d'un nombre réduit de statuettes anthropomorphes appartenant à cette culture.


II. Les statuettes Boian

La plastique anthropomorphe Boian se caractérise par une grande unité stylistique, surtout dans les étapes finales d'évolution. Ce trait commun n'est que le reflet naturel du processus de structuration d'une intense vie spirituelle.

1. Matériel, technique, décoration

Les statuettes anthropomorphes chronologiquement encadrées dans la période de début de la culture Boian (la phase Giulesti, d`après E. Comsa) sont faites en terre cuite, ornementées et généralement pleines à l`interieur. Elles ont été découvertes à Bogata , Galatui- Movila Berzei , Greaca , Aldeni , Resca-Dealul Morii , Borduselu et Tangiru . Dans les étapes finales de la culture Boian on trouve des statuettes anthropomorphes à Gradistea Ulmilor , Bogata III, Tangiru, Vidra , Pietrele , Radovanu , Vlad Tepes , Ipotesti et Novaci . A la même période appartiennent les statuettes en os découvertes dans la nécropole de Andolina , Sultana-Valea Orbului et dans les localités Vidra et Valea Argovei-Gherghelau . La pâte qui a servi au modelage des statuettes est composée d'argile mélangée à la balle et aux cailloux brisés, comme dégraissant. L'engobe qui couvre la surface des pièces est de très bonne qualité, la technique de fabrication témoignant d'une grande pratique. La cuisson est uniforme, du noir-gris, au jaune-brique.

La majorité des statuettes a été fabriquée en argile compacte. Aux pièces concernant la partie inférieure on remarque l'intention du modelateur de pouvoir poser la statuette en position de repos. Il n'y a pas de catégorie de pièces destinées à l'accrochement par perforation - comme c'est le cas pour les statuettes en os.

Les techniques d'ornamentation des statuettes sont l'incision, l'excision, et très rarement la peinture. La décoration est située d'habitude entre la région des seins et les jambes. Dans la période de début de la culture de Boian (la phase Giulesti) domine le méandre (pl. XVI, XIII) utilisé aussi par les communautés de la phase Golovita de la culture Hamangia. Dans les autres étapes de la culture Boian on trouve des statuettes ornementées avec une décoration en spirale ce qu'offre une certaines unité à la plastique anthropomorphe. Quelque fois la décoration est constituée par des véritables combinaisons de spirales associées aux motifs en points et lignes (XIII, XI). De manière générale, la décoration en spirale s'étend dans la région de l'abdomen et des hanches s'ajoutant à la représentation de l'état de grossesse. Dans le cas des statuettes anthropomorphes Boian II et Vadastra III, l'élément de décoration en spirale apparaît seulement sur la partie inférieure du corps . La décoration formée par des incisons linéaires, méandriques ou courbes est simple ou avec une incrustation blanche.

L'excision s'associe à l'incision (pl. XV, XVI) et est remplie de pâte blanche ce que donne une expressivité particulière aux dites statuettes. La peinture est utilisée comme technique d'ornementation des statuettes seulement dans l'étape finale de la culture Boian, à la tête découverte à Vidra. Le visage est peint en blanc, les oreilles et la bouche en rouge. L'utilisation de ces techniques n'est jamais le résultat du hasard, en se soumissant bien au contraire aux fonctions du rituel en cause. Le même raisonnement reste valable pour la schématisation et l'abstraction qui caractérisent les statuettes anthropomorphes de la culture Boian. La schématisation a mis en valeur la plasticité du corps humain, pas vraiment par des raisons d'ordre esthétique, mais surtout pour essentialiser certains caractéristiques du corps humain, nécessaires pour pratiquer certains rituels. La stylisation très poussée de la silhouette humaine touche les bords de la géométrie, dans le cas des statuettes en os. Toutes les pièces sont plates et ne présentent pas des détails anatomiques. Une autre particularité c'est la perforation présente dans la partie supérieure des statuettes, les situant ainsi dans la catégorie des pièces en position accrochée. Les plaquettes anthropomorphes exécutée en coquille Spondylus font partie de l'inventaire de la tombe Boian, découverte à Andolina . Parmi les 24 statuettes triangulaires en section, 16 ont le corps délimité en deux segments, tandis que 8 marquent trois parties du corps.

A l'exception de la statuette masculine découverte à Ipotesti (pl. XXI) toutes les autres représentations anthropomorphes sont féminines. Les statuettes de la culture Boian découvertes en Valachie représente des personnages debout. La tête reste l'élément anatomique transposée de la manière la plus connaissante dans la plastique anthropomorphe de la culture Boian. Une catégorie particulière de représentations anthropomorphes de cette civilisation est constituée par les têtes, posées dans la plupart des cas sur un cou massif de forme cylindrique et apparaissant comme sa prolongation. La seule protome de la culture Boian, découverte à Galatui-Movila Berzei représente aussi une tête, le visage étant le symbole de l'être humain (pl. XIII). Les bras sont figurés en position étendue ou dans une position dynamique, marquée par un bras soulevé et l'autre étendu. Durant l'étape finale d'évolution de la culture Boian, auprès des hypostases déjà connues apparaît la position orante à la statuette découverte à Radovanu.

2. Le contexte archéologique

La diffusion des statuettes dans un certain contexte archéologique notifie une valorisation magique du dit espace. Les statuettes de terre cuite appartenant à la culture Boian ont été découverte seulement a l'intérieur des habitations, tandis que les statuettes en os appartient à un contexte funéraire, faisant partie de l'inventaire de certaines tombes .

Les statuettes ont été découvertes dans la fosse de quelques huttes à Bogata, Borduselu, Greaca et Tangiru. Un nombre significatif de statuettes a été trouvé auprès des âtres. Ainsi, dans la station Boian de la région Oltenia de Piatra-Sat, sur une surface de 20 x 4,5 m, avec 4 habitations de surface disposé en ligne droite, rapprochées, on a découverte 7 âtres en file avec des représentations anthropomorphes Giulesti . La statuette ayant une forme hexagonale avec la tête détruite et l'abdomen rond a été trouvée auprès d`une des âtres de l'habitation -sanctuaire de Galatui-Movila Berzei (pl. XXI) ). Dans la même habitation -sanctuaire on a découverte aussi un torse de statuette . A Greaca et Tangiru , les statuettes Boian ont été découvertes dans le remplissage de quelques huttes. La découverte de ces statuettes dans un contexte domestique a menée certains chercheurs à postuler la croyance dans une divinité "protectrice des âtres et des habitation" .

3. Signification

En dépit de la stylisation marquée à certaines statuettes, les lignes essentielles du corps humain restent correctes. L'image de la divinité a pris dès le début de son évolution une forme humaine. La déesse est représentée par une femme pour la plupart des statuettes appartenant à la culture Boian. Le plus important attribut de la divinité c'est "la figuration féminines de la force créatrice de la vie "Désse-mère" . Un grande nombre des statuettes féminines de la culture de Boian la représente comme partout une grossesse, "la divinité de la fécondité et de la fertilité" . La stylisation appliquée aux statuettes anthropomorphes a une signification bien précise, liée aux certains cultes et croyances. Ainsi, "les gestes des figurines anthropomorphes étaient chargés non seulement de signification, mais même du pouvoir" . La position des bras, l'expression du visage, les éléments de décoration, l'image du ventre constituent chacun des représentations de la "gestuelle". Vues d'une telle perspective, les tentatives d'identification des différents types de coiffures ou vêtements des personnages représentés par les statuettes apparaissent comme des fausses pistes de recherche.

L'ornementation des statuettes est une caractéristique pour plastique anthropomorphe Boian, pendant que pour la plastique Hamanagia, au contraire, il manque presque en totalité. L'interprétation de la signification des ornements est loin d'être épuisée . Pourtant, les arguments avancés par Vladimir Dumitrescu en faveur du tatouage, nous semble les plus convaincants, jusqu'à présent .

Dans le stade actuel de la recherche, le rompement rituel des têtes des statuettes dans un contexte de pratiques magiques est difficilement contestable, bien qu'on ne puisse pas encore en a établir avec précision toutes les significations. La manque des têtes des statuettes Boian et Vadastra III de la région d`Oltenia , auxquelles s'ajoutent 76,31% des statuettes anthropomorphes Boian de la Valachie constitue des arguments fort solides. L'ancienne théorie du brisement accidentel "du au temps passé "et au fait que les figurines avaient le cou très long, modelé séparément du reste du corps ne tient plus debout. Dans le stations de la culture Boian on n'a jamais découvert dans aucune des complexes étudiés (fosse, hutte, ou habitations de surface) des têtes rompues provenant des statuettes, auprès des corps, démontrant ainsi la possibilité d'une rupture accidentelle. La pratique du rompement intentionnel de la tête est fréquemment enregistrée à toutes les communautés du néolithique récent du Bas Danube (Dudesti, Bolintineanu, Vadastra, ou Boian). De point de vue ethnographique, cette pratique magico-rituelle détient la signification d'anéantir le pouvoir des personnages ou des divinités contraires aux communautés en cause, ou bien seulement de certains intention ou actes nuisibles à leurs membres.


Bibliographie
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  6. Recherches effectuées durant les années 1966 et 1968 par S. Morintz, N. Anghelescu et A. Atanasiu
  7. Informations de A. Atanasiu.
  8. Recherches archéologiques M. Neagu (1990-1992; 1994-l995) et V. Kavruk (1993).
  9. E. Comsa, op. cit., p. 24
  10. Gh. Cantacuzino et S. Morintz, op. cit., p. 71
  11. Gh. Cantacuzino, La Nécropole préhistorique de Cenica et sa place dans le Néolithique roumain et européen (à la lumière des dernières découvertes archéologiques), SCIV, 18, 1967, 2, p. 389.
  12. Ibidem
  13. Ibidem, p. 391.
  14. M. Neagu; op. cit. , p. 430 's
  15. E. Comsa, op. cit. , p. 28.
  16. D. Berciu, La culture Hamangia. Nouvelles contributions, I, Bucarest, 1966, p. 253, fig. 149/4 et p. 266.
  17. Ibidem, p. 266-267.
  18. H. Todorova-T. Dimov, Neolithique of southeastern Europe and its near eastern connection. Ausgrabungen in Durankulak 1974 - 1987, p. 299, Abb. 4/5. Dans les régions d'Anatolie on n'a pas découvert des piéces phalliques ou vulvaires.
  19. D. Berciu, op. cit., p. 101.
  20. La site Bolintineanu, dans la station Lunca-La Gradini a. été étudiée aproximativement 30% et on n'a pas découverte que des fragments autels.
  21. N. Anghelescu, Recherches et découvertes dans les départementes Calarasi et Slabozia., en SCIV, VI, 1955, 1-2, fig. 7/1, 2.
  22. Recherches archéologiques M. Neagu, 1981-1983.
  23. E. Comsa, Des fouilles de sauvegarde et recherches de surface dans la région Bucarest, en SCIV, VI, 1955, 3-4, p. 421, fig. 8.
  24. Idem, op. cit., p. 29.
  25. Des fouilles CristianVladescu. La statuette se trouve dans l'exposition permanente du Musée Militaire National du Bucarest.
  26. Des fouilles de sauvegarde Gh. Matei.
  27. D. Berciu, Contribution à l'étude des problèmes du néolithique de Roumanie à la lumière des nouvelles recherches, Bucarest, 1961, p. 408, fig. 190 et p. 409, fig. 191.
  28. V. Culica, Une figurine anthropomorphe avec décoration incisée dans la station éponyme de la culture Boian, en SCIV, I, 1971, p. 87-91.
  29. Dinu V. Rosetti, Les fouilles de Vidra, en PMMB, Bucarest, 1934, p. 24-25.
  30. E. Comsa, L 'histoire des communautés de la culture Boian, Bucarest, 1974, fig. 76/9.
  31. Ibidem, fig. 77.
  32. D. Berciu, Contributions. . . , p. 414, fig. 114/5.
  33. E. Comsa, L'histoire . . , Bucarest, 1974, fig. 76/3.
  34. Ibidem, p. 196.
  35. E. Comsa, La tombe néolithique découverte près du village Andolina, en SCIV, 12/2, 1961, p. 359-363.
  36. Information D. Serbanescu.
  37. Dinu V. Rosetti, Les fouilles de Vidra, p. 25, fig. 3 1-34.
  38. Information D. Serbanescu.
  39. D. Berciu, La culture Hamangia. . . , p. I97.
  40. M. Nica, I. Ciuca, Les localités néolithiques de Piatra-Sat, le département Olt, en Analele Olteniei, 6, SN, p. 35.
  41. Dinu V. Rosetti, op. cit. , p. 37-38, fig. 45 a, b.
  42. M. Neagu, Quelques aspects de la plastique néo-énéolithique en os du sud-est de la Valachie, en CCDJ, II, Calarasi, 1986, p. 91-92
  43. Idem, p. 92-93, fig. 1-2.
  44. Les nécropoles d' Andolina et Sultana-Valea Orbului
  45. M. Nica, I. Ciuca, op. cit. , p. 19.
  46. Recherche inédites M. Neagu 1981-1983.
  47. E. Comsa, Les fouilles de savegarde. . . , p. 421.
  48. D. Berciu, Contribution. . . , p. 508.
  49. E. Comsa, L'histoire des communautés . . , p. 198.
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  53. Mircea Eliade, L'histoire des croyances et des idées religieuses, I, Bucarest, 1981, p. 27.
  54. E. Comsa, Considerations sur la coiffure durant l'époque néolithique sur le territoire de la Roumanie, en CCDJ, II, Calarasi, 1986, p. 51-60.
  55. Idem, Quelques donnée relatives au costume néolithique en territoire roumain, en Préhistoire Alpina, 20, Trento, 1984, p. 233-244.
  56. E. Skafida, G. Toufeix, Figurines de la fin de l'époque néolithique en Tessalie (Grece Centrale), en relations thraco-illyro-helleniques, Bucarest, 1994, p. 19.
  57. Vl. Dumitrescu, L'art préhistorique en Roumanie, Bucarest, 1974, p. 201.
  58. M. Nica, I. Ciuca, op. cit. , p. 34, fig. 12.
  59. E. Comsa, L'histoire des communautés . . , p. 196.