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Roumaine
LE MONASTÈRE DE HUREZIde CORINA POPA
Entre 1678 et 1725 l'art valaque connait une phase d'
épanouissement artistique et culturel dont dérive un style
caractéristique, couramment appelé "style brancovan" d'apres
Constantin Brâncoveanu (1688-1714), prince de la
Valachie. Cette période de l'art roumain représente le moment
ultime de synthèse et de floraison de l'art postbyzantine à une
époque où l'art russe, serbe ou grec, ainsi que l'art dans les
Principautés roumaines, demeuraient fidèles à la tradition
orthodoxe. C'est alors que des princes - comme Serban
Cantacuzène, Constantin Brâncoveanu, Nicolas Maurocordato,
des métropolites comme Barlaam, Théodose, Anthème d'Ivir,
des évêques, tel, par exemple, Stephane Mitrophane, des
higoumènes comme l'archimandrite Jean de Hurezi, Hilarion de
Cozia et des érudits comme les frères Greceanu, Radu Popesco, Constantin Cantacuzène (le
"stolnic" ce qui signifie grand écuyer) réalisent à la fois une ample et systématique oeuvre de
réactualisation de la tradition byzantine en ses formes et substance. Le filon byzantin et orthodoxe
de l'art valque est renforcé: dans le milieu grécophile de la cour princière, une Renaissance
byzantine a lieu, la peinture murale et d'icônes acquérant à nouveau le caractère d'un académisme
paléologue. Le stuc, la sculpture en pierre et bois, les broderies de tradition byzantine, les tissus
orientaux ou italiens constituent une somptuosité impériale peu commune, où Byzance, Orient et
Baroque vont de pair.
Mais, même en ce siècle de l'art baroque, c'est quand même la composante
classique de l'art byzantin, transmise à celui des principautés roumaines, qui reste le trait stylistique
dominant de l'art roumain. Les éléments orientaux et baroques dans la décoration en pierre,
l'orfèvrerie, la sculpture sur bois et en stuc prêtent une note particulière et pittoresque à l'art
valaque de cette période, mais ces traits empruntés à l'art de l'époque ne modifient en rien son
caractère postbyzantin. Unique dans le sud-est de l'Europe, cette synthèse postbyzantine a trouvé
son expression la plus authentique dans le monastère de Hurezi. Situé dans le département de
Vâlcea, une region sous-carpatique de l'Olténie, depuis le XIVe siècle où une vie monastique
intense se déroulait grâce à deux autres monastères - Cozia et Arnota dont les églises avaient
servi de nècropoles princières -, Hurezi représente un ensemble monastique complexe comparable
aux grands couvents de l'Athos. La "grande église", en fait l'église principale du monastère,
destinée à devenir le lieu de sépulture du prince Constantin Brâncoveanu et des siens, aurait dû
recevoir un jour sa dépouille mortelle. Mais on sait qu'il a été décapité, en même temps que ses
quatre fils, le 15 août 1714 à la court du sultan turc, sous l'accusation de "trahison", car tel fut le
verdict que la Porte appliqua à ses démarches diplomatique auprès de la cour de Vienne et de
Moscou dans l'espoir de réaliser une posible coalition anti-ottomane. Mourant en martir, dans des
circonstances aussi dramatiques, il n'a plus été enseveli à Hurezi comme il l'avait souhaité et son
sarcophage vide se trouve aujourd'hui encore dans le narthex. Cet ensemble monastique, avec les
enceintes de l'hospice et des ermitages, avec ses cinq églises, relève d'un programme complexe -
jamais connu en avant et jamais plus repris en Valachie. Les églisesse sont toutes conservées
dans l'état d'origine. A la cohérence du programme s'ajoute l'unité de style de l'architecture: les
églises, de plan rectangulaire, ont des clochers hauts et sveltes dont la hauteur est égale à la
longueur de l'édifice. Des exonarthex s'ouvrent sur les cours par des arcades en plein cintre
appyées sur des colonnes de pierre largement espacées. L'ordonnance claire des éléments de cet
ensemble architectural construit dans l'axe est-ouest, la structure symétrique de l'aile ouest, les
façades des bâtiments où prédominent les surfaces planes, les belvédères (de section carée) de la
résidence princière et de l'aile nord, la présence des arcades en plein cintre dont le rhythme est le
même à l'étage comme au rez-de-chausée - tout cela crée un cadre accueillant d'harmonie et de
beauté. Cet ensemble d'architecture n'a rien de comun avec l'esprit baroque du XVIe siècle.
Dans le blanc éclatant des façades crépies fondent tous les accents plastiques de ces dernières, les
constuctions acquèrent un caractère monumental, équilibré par l'ombre modelant les porches des
églises et les belvédères.
Les églises comme le réfectoire consevent 90% de leurs peintures murales
d'origine. La peinture des cinq sanctuaires de Hurezi, réalisée entre 1692 et 1702 par douze
peintres dirigés par deux maîtres-peintres, Constantinos et Jean, représente le début du style
brancovan dans la peinture murale. Ces deux artistes, créateurs de l'ensemble pictural dans l'église
Doamnei ('de la Princesse') de Bucarest, élevée en 1683, avaient fortement contribué à la
Renaissance byzantine, tant dans la peinture d'icônes que murale, qu'encourageait le milieu
grécophile de la cour de Serban Cantacuzène (1678-1688). La peinture murale de Hurezi -
variante postbyzantine de l'académisme paléologue - relève d'un programme iconographique
enrichi de thèmes fort répandus dans le monde de la peinture athonite et crétoise des XVIe-XVIIe
siècles, à présent introduits aussi dans la peinture valaque: l'Echelle de Jean Climaque, l'Echelle de
Jacob, la Vie du vrai moine, l'Arche de la chrétienté, la Mort d'Ephrem Syriaque, le Voile
d'intercession de la Vierge (Pocrov), des hymnes marials, la Vierge Protectrice. De plus, ces
peintres, avec l'aide d' iconographes renommés, tel par exemple, l'archimandrite Jean -
l'higoumène du monastère et grand érudit - ont introduit dans le programme de la peinture des
images de quelques saints du pays (Nicodème de Tismana, Grégoire Décapolite), ainsi que les
personnages du roman mystique Barlaam et Joasaph - traduit en roumain après 1650 - et la vie
de Saint Constantin - le patron du fondateur -, enfin des thèmes importants à caractère
moralisateur et eschatologique: Jugement dernier, Paraboles (dont les unes inspirées de la
littérature religieuse traduite et imprimée à l'époque).
Plan de monastère
Les demeures princières comme les églises ont été dotées d'un mobilier de bois sculpté: stalles,
sièges à dossiers hauts, iconostases qui reprennent la parure des encadrements de portes où le
répertoire phytomrphe est traité en relief ou à jour, suggérant une certaine parenté avec l'orfèvrerie
baroque. Pendent dix ans, maîtres d'oeuvre, maçon, tailleurs en pierre et sculpteurs en bois,
peintres d'icônes et peintres muraux travaillèrent avec zèle pour parfaire cet imposant ensemble
monastique. De l'initiative du prince et de quelque nobles et hiérarques, Hurezi devint le principal
centre artistique de l'évêché de Râmnic, en sorte que les monastère Polovragi, Mamu, Surpatele,
Cozia, Govora, de même que les ermitages Fedelsoiu et Sãrãcinesti, ont été construits ou restaurés
et décorés de peinture par les mêmes maître-artisans qui avaient été actifs à Hurezi, formant une
vraie école stylistique. Au XVIIIe siècle, le style "brancovan" acquiert l'autorité d'un modèle,
devient style national et se répand dans toute la Valachie jusqu'en Transilvanie. Cet ultime épisode
d'art médiéval roumain a connu une grande variété d'interprétations, depuis les rédactions
témoignant d'un esprit conservateur à de vigoureuses et originales créations populaires qui ont
perpétué la vie du style jusqu' après 1800.
Cette article est reproduit après
Corina Popa, Le monastère de Hurezi, dans "Denkmäler in Rumänien/Monuments en Roumanie", ICOMOS- Cahiers du Comité National Allemand, XIV, 1995, pg. 98-104
Traduction: Doina Anca Cornaciu; Introduction du text: Bodgan Toader
Web Dessin: Cãlin Gligorea
Publication Électronique: CIMEC, Bucharest, jan. 1997.
Actualisation: 7 Avril, 2000.
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